C’est le soir. Une faible lumière se
glisse à travers les vitres, l’obscurité commence doucement à s’emparer des
objets, à les rendre plus vagues.
Monsieur H se trouve tout seul à
la maison; une insolite agitation, qui lui empêche presque de tenir son
souffle, vient le frapper en se considérant maître absolu de son temps. Tout le
monde est sorti; Madame H séjourne dans un balnéaire où elle suit l’un de ses
éternels régimes d’amaigrissement,
jusqu’à la semaine suivante; les enfants, quelque part sur la Côte D’Azur chez
des potes; même le chat qui on entend désespérément miauler juché, à croire pour la netteté de sa
lamentation, sur n’importe quel toit proche du voisinage, s’est éclipsé.
En profitant les ombres, Monsieur H se
sert un peu de Calvados, met dans le CD le dernier album de Daniel Mille et
s’installe confortablement dans son fauteuil préféré, prêt à se plonger dans la
mélodie; tout de suite, un harmonieux son d’accordéon envahit la salle tandis
qu’il ferme les yeux, une expression détendue sur son visage. « Enfin
seul! » Se dit-il. Des minutes à peine coulés, lorsqu’un lourd
assoupissement arrive à accompagner indulgent son repos -la musique exerçait, parfois,
cet effet chez lui-, et il s’abandonne soumis à ses griffes…
Le matin, quand il allait explorer avec
ses petits frères la surface des eaux chaudes, Nethou était ravi. Il remuait
sans arrêt sa nageoire caudale: étroite, rigide, et badinait en poussant ses
compagnons de jeux jusqu’à les agacer. Nethou était tellement hardi, que même il
s’aventurait souvent à franchir la zone limite, malgré l’interdiction
catégorique de son père, qui l’avait sérieusement averti des actions humaines.
Il aimait, surtout, se diriger vers les rochers chargés de crevettes où il prenait,
avec gourmandise, son petit-déjeuner.
Un jour où l’eau était teintée d’une
nuance de grisaille, Nethou aperçut au loin un drôle de truc qui attira
immédiatement son attention. Il s’agissait d’une sorte d’énorme radeaux émettant un son aigu. Il s’approcha et
remarqua, là dedans, quelques requins,
des tortues, des cabillauds, de nombreux crustacés et de petits poissons, même
un thon, cousin lointain à lui, qui mangeaient avidement un plancton, à ce qui
paraissait exquis. Nethou se faufila par l’un des trous de l’engin, et s’achemina
saluer son parent.
Minuit passé, Monsieur H se réveille en
sursaut, les membres engourdis et un étrange goût de végétaux dans la bouche.
Une faim de loup lui déchire l’estomac. Il file vers la cuisine et ouvre le
frigo; une succulente assiette de sushi au thon rouge l’y attend. Attablé, Monsieur H se dispose à
savourer ce délicieux mets, il est sur le point d’en avaler un morceau, quand
le rêve qu’il vient de faire se fixe
carrément dans sa tête. « C’était moi! Dans mon rêve, Nethou,
c’était moi !», se dit-il bouleversé, en même temps qu’il éprouve un grand mal au
cœur et il court hâtif vers la salle de bain.
Teresa Cortés
17-02-2015
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